Decimo capitolo della rubrica “Le altre lingue”. Il poeta del Québec selezionato da Francis Catalano è Corinne Chevarier. Buona lettura.
Le altre lingue: Poeti del Québec (10)
Corinne Chevarier
Convoi
Un train dans le corps
la pensée n’est pas contruite sur rail
dormir en vermine
partager les repas du chien
où êtes-vous
le néant me parle
Convoi numéro 51
Maïdenek la morte
je pars
mon visage ressemble à une certitude
il en sera toujours ainsi
je serai quelque part
submergeant tous les paysages
impossible de ne pas retrouver ma main dans le brasier
Je veux mourir
le gaz Zyklon tient les étoiles
dans ce camp définitif
je ne sais pas en finir
étendue sur l’acier on enfonce quelque chose dans mon corps
des cheveux un rat un liquide dangereux
on attend on prend des notes
Les vieillards aussi
jambes enflées doigts crochets os sur plumes
quand il ne reste que les vieux
il ne reste personne
la lumière s’éteint dans un coin
certains mots ne se disent qu’à l’envers
les autres ne se disent plus
Ultime convoi 77
Auschwitz en détresse
peut-on aller plus loin
enfant numéro 300
chambre irrespirable
je ne t’y couche pas sur un duvet d’eider
je te pousse contre les autres
la terreur s’ancre là
dans cette chambre on ne chahute pas
*
Briser la couche de glace
à coups de pierre se laver
ne pas protéger ses mains contre les orties
chaparder une poignée de blé
ne pas enfler des pieds
ni se crever un oeil
une brosse de chiendent
une bouteille de Cresyl
de l’eau froide mon corps
s’évanouir recommencer
Je ne peux plus monter dans un train
l’antichambre des camps
où se mêlent hurlements et chiens
les vivants sortent de l’apnée
se disent à plus tard
le soir est une fumée de cheminée
je ne veux pas dire ce que c’est
surtout ne me le demandez pas
Ne jamais revenir des camps
être là-bas comptabilisé
toujours faille encre brûlée
sablier de retour
à côté de tout
Quand il n’y a plus d’espoir, c’est là qu’il ne faut pas désespérer*
le mal absolu n’a pas de calendrier
vouloir manger la mort
préférer coller sa langue à la rouille
se laver entre les doigts
la douleur s’infiltre dans les petits interstices
il neige gris
c’est la vengeance
les morts couvrent les épaules ennemies
se déposent partout cendre saison
un peuple tombe du ciel
la mort est un paysage humain
*Inscription sur un mur du camp de Drancy
*
Triste fête par rang de cinq
une procession de landaus
de retour du vidoir
je voudrais qu’elle pleure
cette heure interminable qui glisse vers la gare
comme ces hochets encore accrochés
La ville détruite soulève ses poussières
nous traversons les nuages
mi-effondrés mi-flottants
répliques d’un dessin de Spitzer
nos pieds s’enfoncent parfois dans un corps
il n’y a pas de répit aux marches insensées
À Bergen Belsen les enfants jouent
à compter les morts empilés comme des bûches
à les comparer à en rire
quoi faire d’autre de cette maigreur de crabe
une main dans une fente
sort des viscères sanguinolents
les porte à une bouche
la faim de Bergen-Belsen
Arbeit macht frei*
une petite maison blanche
fait des multiplications
Birkenau vorace
dans tes chambres étroites
tu grignotes les épuisés
on occupe les autres jusqu’à ce qu’ils tombent
Être du voyage obscène
d’un wagon plombé
rester un homme
si tu t’en sors raconte
revenir se taire
*Le travail rend libre
Corinne Chevarier ha pubblicato tre raccolte di poesia, Les recoins inquiets du corps, Dehors l’intime e Anatomie de l’objet, tutte per Éditions Les Herbes rouges. Ha vinto il premio di poesia Félix-Antoine-Savard 2009 ed è stata finalista al premio del Governatore Generale nel 2012. Ha partecipato a numerosi festival letterari e a letture pubbliche, in Canada, Francia e Belgio. Ha fatto parte del consiglio d’amministrazione della Maison de la poésie di Montréal (che promuove il Festival di poesia di Montréal), nonché del suo comitato esecutivo. È stata membro del consiglio d’amministrazione e del comitato di redazione della rivista Exit, rivista per cui ha altresì diretto diversi inserti.
Corinne Chevarier è anche attrice. Dopo gli studi al Conservatorio d’Arte Drammatica di Montréal, ha ottenuto numerosi ruoli in teatro, televisione e cinema.
Quest’anno l’abbiamo vista, tra l’altro, nelle serie Au secours de Béatrice, Unité 9 e in 30 vies.
Convoi fa parte della sua prossima raccolta di poesie. Sta lavorando anche a una serie di libri per l’infanzia e a un testo teatrale.
(Trad. Laura Liberale)
In copertina: Corinne Chevarier (2014).